jeudi 2 juillet 2015

Article La Liberté

Samedi 27 juin est parue une interview dans le journal La Liberté. Elle a été réalisée par Pascal Dupasquier. Vous pouvez la lire ce-dessous.

"Je me suis dit: c'est réussi"

Gaëlle Thalmann - Titulaire dans les buts de l'équipe de Suisse, la Fribourgeoise rentre de la Coupe du monde au Canada avec des souvenirs pleins la tête. Rencontre.

Elle est arrivée à pied, lunettes à soleil sur le nez et en toute simplicité. Gaëlle Thalmann nous avait donné rendez-vous au Centre de tennis de Bulle, à quelques pas de l'appartement familial qu'elle a regagné mardi à son retour du Canada. La Gruérienne de 29 ans a évoqué "sa" Coupe du monde, sa place de titulaire dans les buts de l'équipe de Suisse et, évidemment, sa formidable aventure qui s'est achevée dimanche, sur une défaite 1-0 en huitième de finale contre le Canada. Interview.

Gaëlle Thalmann, comment s'est passé votre retour au pays?
Avec la fatigue et le voyage, je suis tombée malade. Maintenant, je suis guérie. Tout va bien.

De l'effervescence de la Coupe du monde au calme de la Gruyère, la transition doit être plutôt abrupte, non?
(Elle sourit). Il faut se remettre dans le rythme de la vie normale. Heureusement, le départ a été assez rapide. Nous avons quitté Vancouver lundi, au lendemain de notre défaite contre le Canada. C'est bien de prendre directement du recul, de pouvoir faire le point individuellement sur tout ce qui s'est passé au Canada.

Avec quatre jours de recul, quelles images retenez-vous de cette Coupe du monde?
Les plus grandes émotions, c'est mon entrée sur la pelouse du stade de Vancouver pour le dernier entraînement avant le match contre le Japon qui lance notre tournoi. C'est aussi le jour du match, quand tu sors du vestiaire et que tu te retrouves devant 26'000 spectateurs. C'est encore le huitième de finale face au Canada, le pays hôte, dans un stade avec plus de 50'000 spectateurs (53'855 exactement ndlr). Cela donne quand même des frissons...

Et si vous ne deviez retenir qu'une seule image, laquelle serait-elle?
(Elle réfléchit...) Ce serait notre arrivée au stade pour le dernier entraînement avant le match contre le Japon. A ce moment-là, je me suis dit que ça valait la peine de faire tous ces sacrifices pendant six mois pour revenir de ma blessure. Avec la rééducation et la physio, je n'ai pas eu beaucoup de temps libre, mais à la fin, ça a payé.

Et ce fameux 8 juin contre le Japon, aux premières notes de l'hymne suisse, à quoi pensez-vous?
J'ai pensé à mes physios. Après mon opération au genou, on s'est lancé le défi de regagner ma place de titulaire pour ce mondial... J'ai pensé à eux et je me suis dit: c'est réussi!

Après avoir fait jeu égal, vous perdez 1-0 contre des Japonaises souvent empruntées. Y a-t-il de la frustration à ce moment-là?
Nous sommes déçues, bien sûr. Les Japonaises ne paraissent peut-être pas impressionnantes, mais elles ont cette faculté d'accélérer à un moment donné et de faire la différence. Notre prestation contre les championnes du monde est toutefois positive pour la suite de notre tournoi.

Il y a aussi ce penalty, sanctionné pour votre intervention sur l'attaquante japonaise Kozue Ando arrivée seule devant vous...
Elle est la première sur le ballon, mais comme je sors très vite, je sais qu'elle ne peut que tenter le lob, c'est pourquoi je saute avant d'entrer assez violemment en collision avec elle. Nous étions les deux en pleine vitesse, c'était inévitable.

Penalty, pas penalty?
Je touche le ballon avant d'arriver au contact avec elle, il n'y a donc pas penalty. D'ailleurs, deux jours plus tard, la même scène se déroule lors du match Angleterre-Colombie et l'arbitre canadienne laisse l'action se poursuivre. Peut-être y a-t-il eu une discussion parmi le corps arbitral après mon intervention, je ne sais pas...

Le fait que Kozue Ando ait la cheville cassée dans le choc vous a-t-il perturbée?
Sur le moment, personne ne s'est rendu compte qu'elle avait la cheville cassée. Elle non plus d'ailleurs. Elle n'avait pas de grosses douleurs mais elle est quand même allée faire un contrôle à l'hôpital. C'est là qu'elle a su. J'ai moi-même été blessée et je sais ce que cela représente. Je n'ai pas commis de faute et je n'avais pas à m'excuser, mais je lui ai envoyé un message pour lui dire que j'étais désolée pour elle et aussi désolée qu'elle ne puisse pas continuer la Coupe du monde. Comme elle joue en Allemagne, je lui ai écrit en allemand.

Avez-vous reçu une réponse de sa part?
Oui. Elle m'a répondu que j'avais tout donné pour défendre mon but, que je n'étais pas coupable. J'ai vraiment été impressionnée par sa réponse, elle a été grande.

Vous terminez troisième de votre groupe derrière le Japon et le Cameroun et vous jouez le Canada en huitième de finale. Là encore, vous vous inclinez 1-0 sans n'avoir rien à envier à votre adversaire...
On savait que le stade de Vancouver serait plein et pas forcément acquis à notre cause. Vu que l'enceinte est fermée, l'ambiance est encore plus chaude. Sur le plan du jeu, on se crée quelques occasions mais on ne réussit pas à les concrétiser. En face, elles n'en ont pas plus que nous, mais elles en mettent une au fond. A ce niveau-là, ça se joue sur peu de chose. Sachant qu'en général on marque à chaque rencontre, c'est très frustrant. Et au Canada, il y a deux matches où on ne marque pas...

L'équipe de Suisse est bien organisée, présente un joli football mais manque de force de percussion en phase offensive. Vous validez cette analyse?
Vu notre tournoi, je valide. En qualification, on a marqué plus de 50 buts mais à la Coupe du monde, les adversaires sont d'un calibre plus élevé. La concrétisation, c'est l'une des choses que l'on doit travailler pour le futur. Cela dit, avec Ramona Bachmann, Lara Dickenmann, Ana Maria Crnogorcevic, Fabienne Humm ou encore Eseosa Aigbogun, on a quand même une attaque de luxe.

Les critiques à votre sujet ont été élogieuses dans les médias. Quel bilan personnel tirez-vous de votre Coupe du monde?
Je suis assez mitigée sur ma performance et sur celle de l'équipe, car je fais partie du groupe. Nous avons certaines fois manqué de concentration et de constance et au final, trois défaites en quatre matches, ce n'est pas brillant. Cela dit, nous avons également montré de bonnes choses contre les meilleures équipes. Une performance comme celle contre le Japon champion du monde, c'était très prometteur.

Début 2016, la Suisse disputera un tournoi de barrage entre éliminés des huitièmes de finale, à savoir les Pays-Bas, la Suède et la Norvège. L'enjeu, une place aux JO de Rio. Quelles sont vos chances?
Nous serons quatre grosses équipes et ce ne sera pas facile. Il peut se passer beaucoup de choses d'ici là, mais c'est faisable. Si nous avons envie d'aller aux Jeux, ces adversaires, il faudra les battre...

Les Jeux olympiques, ça vous fait rêver?
En arrivant au Mondial, mon objectif était la qualification pour les JO...et cet objectif n'est pas définitivement perdu. Les Jeux olympiques, surtout à Rio dans le pays du football, ce serait juste la classe.

Il y a aussi les qualifications pour l'Euro 2017 aux Pays-Bas qui vont débuter. Un autre gros défi pour Gaëlle Thalmann?
Après la Coupe du monde, l'Euro est une suite logique. Avec l'Italie comme tête de série N°1, notre groupe est relevé. Du reste, il faudra être assez vite concentré sur cette qualification, car notre premier match se déroulera en Italie en octobre prochain.


Dans le cadre
Une course contre la montre gagnée

En novembre dernier, vous vous blessez gravement au genou. Comment réagissez-vous à ce moment-là?
Le ligament croisé et le ménisque étaient déchirés et le ligament interne touché. Quand le médecin a posé le diagnostic, même si je m'y attendais un peu, j'étais sous le choc. En même temps, j'ai calculé combien de temps il me restait jusqu'à la Coupe du monde. Je me suis dit que c'était jouable. J'ai aussi eu la chance d'avoir pu être opérée très vite, trois jours après l'accident.

Vous vous lancez alors dans une véritable course contre la montre. Quel genre de thérapie suivez-vous pour revenir aussi rapidement?
J'ai entamé la rééducation immédiatement après l'opération. Dès ma sortie de l'hôpital, je suis allée tous les jours à la physio, à raison de huit heures par jour au début. J'ai également travaillé la musculation, car ce qui protège le ligament, ce sont les muscles. Malgré une infection contractée à l'hôpital et qui a nécessité deux arthroscopies sous narcose complète, les choses se sont très bien déroulées. Et le 19 avril, exactement 5 mois après l'opération, je disputais mon premier match avec la deuxième équipe de Duisbourg. J'en ai joué trois autres avant de rejoindre l'équipe nationale pour le stage de préparation en vue de la Coupe du monde.

Restait encore à retrouver votre place de titulaire...
J'avais confiance, car j'avais remarqué que ça allait de mieux en mieux au fil des rencontres. J'ai quand même un peu d'expérience et j'ai pris mes repères. J'ai aussi eu la chance que la coach m'ait fait jouer 90 minutes lors de notre dernier rendez-vous amical contre l'Allemagne. Je pense qu'elle avait aussi besoin d'être rassurée, de savoir si je pouvais tenir tout un match. Les choses pouvaient encore changer, mais c'était un signe positif en ma faveur.

Votre club de Duisbourg étant relégué, savez-vous où vous jouerez la saison prochaine?
Je ne sais pas encore. Mon contrat avec Duisbourg n'était valable que pour la première division mais le club m'a fait une nouvelle proposition. J'ai également d'autres contacts, on verra.

Source: La Liberté, 27.06.2015, Pascal Dupasquier.



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