mercredi 6 mai 2015

Interview de mes parents

Le journal La Liberté publie une série, en volets, d'interviews de parents de sportifs d'élite. La journaliste Tiphaine Bühler est allée à la rencontre de mes parents, Jacques et Rossella. Ils me soutiennent depuis 29 ans et ils feraient de tout non seulement pour moi, mais aussi pour ma soeur. Même si ce n'est pas tout dans la vie, ils méritent tous les jours, d'après moi, une apparition en première page du journal parce qu'ils font quelque chose de merveilleux: ils sont mes parents et j'en suis fière! Ils m'ont beaucoup émue à travers cet article! Merci.

Die Zeitung La Liberté veröffentlicht eine Serie in fünf Teilen von Interviews mit Eltern von Leistungssportlern. Die Journalistin Tiphaine Bühler traf meine Eltern, Jacques und Rossella. Sie unterstützen mich seit 29 Jahren und sie würden nicht nur für mich, sondern auch für meine Schwester alles unternehmen. Auch wenn dies nicht alles im Leben ist, verdienen sie es meiner Meinung nach jeden Tag, auf der Titelseite zu stehen, weil sie eine wunderbare Sache machen: sie sind meine Eltern und ich bin stolz auf sie! Mit diesem Bericht haben sie mich gerührt! Danke.

Il giornale La Liberté pubblica una serie in cinque parti d'interviste con genitori di sportivi professionisti. La giornalista Tiphaine Bühler ha incontrato i miei genitori, Jacques e Rossella. Mi sostengono da 29 anni e farebbero di tutto non solo per me, ma anche per mia sorella. Anche se non è tutto nella vita, per me se lo meritano ogni giorno di essere sulla prima pagina del giornale perchè fanno una cosa meravigliosa: sono i miei genitori e io ne sono molto orgogliosa! Con quest'articolo mi hanno emozionata! Grazie.




Ma fille est une championne 1/5

"On entend des choses avilissantes"

Rossella et Jacques Thalmann - Maman à l'italienne, elle a vu sa fille Gaëlle lutter pour devenir une footballeuse professionnelle. Papa, passionné de ce sport, est plus dans l'analyse factuelle. 

Derrière chaque champion, il y a des parents. Il faut soutenir son enfant sans mettre de pression et garder la tête froide aussi souvent que possible. Le métier de sportif fait souvent rêver. Pour les parents, les réalités et les obstacles sont différents dans chaque discipline et pour chacun. Ils apprennent sur le tas à décrypter ce monde si particulier, à s'accommoder des folies financières ou de la peur de l'accident, et surtout, à maintenir le lien du coeur. Ils témoignent. 

Sur le palier de l'appartement de Bulle, Rossella (52 ans) tend une main énergique et se présente par son prénom. Derrière, Jacques (56 ans) arrive tout en discrétion. Elle est enseignante en petite classe, lui informaticien, même s'il est connu comme entraîneur au FC Bulle. "Le FC, ça ne fait pas vivre son monde et ce n'est pas le but", plaisante-t-il. Le ton est donné.

1. La détection
Un refus; c'est par là que Gaëlle a commencé dans le foot. "A l'école enfantine, un maître n'avait pas voulu lui donner une inscription pour le club de foot parce que c'était une fille, se souvient sa mère. Gaëlle était rentrée très fâchée." Rossella ne tergiverse pas. "Aujourd'hui encore, 25 ans après, les écolières qui jouent au foot, ça reste l'exception", glisse son mari.
Jacques étant devenu coach des juniors, sa fille revient avec son envie de crampons. Elle s'accroche, gagne sa place au goal. A 15 ans, la Bulloise est repérée et intègre l'équipe nationale M19. "Elle est arrivée à la maison en disant: "J'arrête le tennis", se rappelle l'institutrice. J'avais peur qu'elle regrette ce choix. Elle avait un bon classement, N4. Dans cette équipe de Suisse, je trouvais qu'on ne lui donnait jamais sa chance, même lors des matches amicaux. Ca a duré. Gaëlle trouvait ça injuste. Je lui disais que la roue allait tourner, mais c'était blessant en tant que maman. Mon mari voyait ça différemment." Il explique la logique de chaque décision: "Jouer les rencontres faciles n'a pas de sens, car il n'y a pas de travail pour le gardien. Désormais, la situation est inversée et Gaëlle trouve normal de disputer tous les matches, même ceux où elle ne touche qu'un ballon." Maman a mal au coeur pour les gardiennes remplaçantes cette fois. Une dualité parentale respectueuse, grâce à laquelle Gaëlle s'est façonnée.

2. L'envol
La séparation s'opère lorsque leur fille est engagée en première division allemande. "C'est elle qui a pris contact avec Potsdam, souligne papa. Elle avait vu que la première gardienne partait. Le club lui a proposé un test. Elle a vécu les dix jours les plus durs de sa vie, en passant de quatre entraînements par semaine à trois par jour." Un e-mail de confirmation et une semaine plus tard, Gaëlle déménageait. Vient le titre de championne d'Allemagne. "Elle n'a pas joué la finale. Pourtant, j'ai compris ce qu'elle voulait dire quand elle parlait de frisson pendant un match. Je n'ai jamais vu une liesse pareille en Suisse", s'illumine une maman convaincue.
Gaëlle acquiert une dimension internationale lorsqu'elle gagne le championnat d'Italie en 2013. Cette fois, elle est dans les buts. "Lorsqu'elle a signé en Sardaigne, je l'ai mise en garde. Je la trouvais très carrée et ça n'allait pas être l'organisation à l'allemande, mime la "mamma". Mais elle s'est transformée là-bas, elle s'est ouverte, a mûri." Parallèlement, elle devient titulaire en équipe de Suisse et se qualifie pour le Mondial.

3. Le revers de la médaille
Des titres, mais des railleries aussi. Toujours. Car le foot féminin, "ce n'est pas du foot" dans la bouche de beaucoup, "ce ne sont pas des filles" dans celles d'autres. "Ca n'a pas changé", se mord les lèvres un papa dans la retenue. "On entend des choses avilissantes, s'assombrit Rossella. On offre de beaux costards et cravates aux joueurs, tandis qu'aux filles, ce sont deux tee-shirts et un training. Alors forcément, l'image n'est pas la même. Mais il n'y a pas que ça. Lors des matches de l'équipe de Suisse féminine, on n'a pas vu beaucoup de dirigeants du foot..."
Jacques prend le relais: "Il y a tout de même une amélioration dans la retransmission. Il y a dix ans, c'était impensable de voir un match de foot féminin à la TV. Ca vient. Mais on sent encore beaucoup d'a priori. Lors de la rétrospective sportive 2014 à la RTS, il n'y a rien eu sur la qualification des filles, alors que c'est une première dans l'histoire. Récemment, Gaëlle a été contactée par des médias qui veulent tout à coup mettre le paquet pour le Mondial, car 2015 est - disent-ils - une année où il n'y a pas beaucoup d'événements sportifs." Un bel autogoal.

4. Le lien du coeur
L'expertise de papa est toujours recherchée. "Gaëlle me consulte régulièrement, confie-t-il. L'important pour elle, ce n'est pas tant de se rassurer sur sa performance, mais plutôt de confirmer son analyse." La famille s'est construite autour de ce foot, parfois avec recul, parfois dans l'émotion. Inégalité du sport, équilibre familial à trouver avec la petite soeur dans l'ombre, blessures à répétition, discussions sur l'avenir qui passe par la création d'un 3è pilier, tout n'est pas glamour. Ils en ont fait leur ciment.
Cer derniers mois, les préoccupations se sont resserrées autour de sa double opération à un genou, avec l'insécurité que cela entraîne pour la Coupe du monde en juin. "On a fêté Noël à sa sortie de l'hôpital entre deux séances de rééducation. Pour une fois, on n'est pas allé voir un match de foot", rigole à moitié sa mère. Les blessures, ils s'y sont familiarisés, à force. Dès lors, ils n'ont aucun doute: leur fille disputera le Mondial au Canada. Papa a réservé son billet à la mi-mars déjà. 


Encadré:
A Potsdam, Gaëlle a reçu son premier véritable salaire. Celui-ci n'a guère évolué depuis, malgré les titres et l'expérience. La gardienne de l'équipe de Suisse a d'ailleurs toujours dû payer ses gants. "Elle a trouvé un sponsor elle-même pour ça et il la suit depuis des années désormais, précise Rossella. Nous n'avons rien dû financer, sauf les assurances et les trajets. Mais Gaëlle vivote." Son salaire reste confidentiel. Dans son club actuel de Dsuiburg, elle a un petit job administratif dans un bureau, à côté des entraînements, alors qu'elle a un diplôme universitaire.
"Ce qui prime pour Gaëlle, c'est de jouer, remarque Jacques. La preuve, en Sardaigne, elle n'a pas reçu la totalité de ses gains la première saison et est restée une année supplémentaire. Elle serait même sans doute prête à y retourner aujourd'hui."

L'Association suisse de football ne montre pas non plus l'exemple. Pour leur qualification historique pour la Coupe du monde, l'équipe a reçu une prime globale qui en a laissé plus d'une perplexe. On parle d'une enveloppe qui individuellement dépasse à peine les 1500francs. "Je ne peux pas articuler de chiffres, observe le père. Mais elles ont reçu pour 30 joueuses moins que ce que gagne un seul footballeur de l'équipe nationale pour sa qualification pour le Mondial." Il est encore loin du compte puisque l'ASF avait arrêté une prime de qualification de 120'000 francs par joueur pour le Mondial 2014. "Ce n'est pas ça qui les motive, appuie-t-il. D'ailleurs, le montant total devait être réparti au prorata du rôle dans l'équipe et les filles ont demandé que tout le monde reçoive la même somme." Impensable dans le foot masculin.

 Source: Tiphaine Bühler, La Liberté, 15.04.2015.









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